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Fin octobre 2009 se tenait le célèbre
challenge URBAN SHIELD, à ALAMEDA, dans la
région de San Francisco. Cette compétition
de réputation internationale demeure la référence
en matière de mise à l’épreuve
de groupes d’intervention et de leur pratique
professionnelle. Cette année, pour la première
fois, l’unité d’élite de
la police nationale française, le RAID, a eu
l’immense privilège d’être
choisie pour se confronter à 26 unités
SWAT américaines, au cours d’un véritable
marathon composé de 25 épreuves durant
48 heures non-stop.
Arrivée
quelques jours avant le challenge URBAN SHIELD sur
le sol américain, l’équipe du
RAID, composée de huit policiers (et d’un
remplaçant), a tout d’abord rencontré
le SWAT du Los Angeles Police Department. Elle a assisté
à plusieurs démonstrations, et elle
a été impressionnée par l’armurerie
et le parc automobile de l’unité…
Le lendemain, les policiers français ont retrouvé,
à Oakland, leur patron, le commissaire divisionnaire
Amaury de Hautecloque, et son adjoint, le commissaire
Jean-Pierre Després.
Lors
de la première réunion de travail avec
le shérif Grégory J. Ahern, du comté
d’Alameda, qui a organisé le challenge,
un descriptif de chaque scénario, accompagné
de la carte de la baie de San Francisco, a été
remis à l’équipe. Celle-ci a aussitôt
établi une stratégie adaptée
à chaque épreuve et elle a réparti
les postes en fonction des spécialités
de chacun : négociation, technique, secours,
sniping, effraction, canine, etc.
La
veille des épreuves, les 27 équipes
engagées se sont retrouvées à
Dublin pour un grand briefing. Les organisateurs ont
présenté l’ensemble des mesures
à respecter, notamment les règles de
sécurité, les principes d’engagement,
les procédures d’intervention en milieu
contaminé, et la perception des armes et des
équipements.
Une
mention particulière a été donnée
au contrôle médical, lequel sera omniprésent
pendant toute la compétition : avant le départ,
les policiers ont été pesés,
et les principales données physiologiques recueillies.
Un premier point de contrôle était prévu
après quinze heures de challenge, puis un deuxième
à la 30° heure et un dernier à la
44° heure.Chacune des 25 épreuves, dont
les scénarios étaient élaborés
à partir des interventions réelles vécues,
était notée sur une échelle allant
de 0 à 125 points, en tenant compte des critères
suivants : commandement (21 points), demande de renseignements
(12 points), planification des opérations (24
points), coordination (12 points), évolution
tactique et travail d’équipe (15 points),
et résolution de la crise (26 points).
Le
samedi 24 octobre à l’aube, les équipes
de l’URBAN SHIELD se sont présentées
sur les différents lieux répartis autour
de San Francisco, pour affronter la première
épreuve (après tirage au sort).
A
noter que la première épreuve commencée,
aucun remplaçant ne pouvait intervenir, les
huit équipiers devaient impérativement
terminer ensemble la compétition.
Particulièrement
réalistes, les épreuves se sont révélées
très tactiques et d’un très haut
niveau, nécessitant des qualités hors
du commun tant sur le plan physique que sur le plan
professionnel, mettant ainsi en exergue les qualités
et valeurs incarnées par ces unités
d’élite.
L’URBAN
SHIELD était constitué de 25 situations
à hauts risques. Voici, en résumé,
quelques-unes d’entre elles :
-
Intervention de secours à un officier et interpellation
de trois suspects, avec l’appui d’une
brigade canine. Sur cette épreuve, le RAID
a été sévèrement noté
en raison du temps perdu à la sécurisation
des lieux avant d’envoyer le chien (retard dû
à la différence de législation
: aux États-Unis, les policiers peuvent lâcher
l’animal pour trouver le suspect après
une seule sommation) ;
-
Intervention sur des terroristes, avec utilisation
de fumigènes et sécurisation de la progression
avec miroir et caméra thermique ;
-
Assaut d’un groupe de terroristes, sous la protection
de snipers ;
-
Pénétration dans un tribunal, avec de
nombreux blessés à évacuer, et
interpellation des suspects alors qu’ils tentent
de s’enfuir à bord d’un véhicule
contenant un véritable arsenal de guerre ;
-
Prise d’otages de deux militaires dans un lieu
sécurisé de l’armée américaine,
avec tentative de fuite des terroristes avec un …
char d’assaut ;
-
Intervention dans un immeuble commercial ;
-
Sur une zone de crise, progression avec un véhicule
médical blindé ;
-
Intervention à Hayward où plusieurs
officiers de police sont à terre après
une fusillade avec des braqueurs de banque armés
de fusils mitrailleurs ;
-
Epreuves NRBC, avec combinaison, masque et bouteilles
d’oxygène ;
-
Prise d’otages à bord d’un bus,
puis fuite des agresseurs avec le véhicule
dans un garage souterrain où un des policiers
de l’équipe sera considéré
comme blessé ;
-
Neutralisation d’un kamikaze muni d’une
ceinture d’explosifs. Travail en collaboration
avec les démineurs équipés d’un
robot avec caméras et bras articulés
;
-
Prise d’otages dans un avion, avec assaut simultané
à l’avant et à l’arrière
de l’appareil ;
-
Intervention dans un bateau, puis dans un train ;
-
Intervention avec le Secret Service suite à
l’attaque du convoi du président des
États-Unis, exfiltration de la personnalité,
neutralisation de snipers, etc. ;
-
Intervention sur un campus où un tireur a fait
un carnage ;
-
Progression dans le noir, avec matériel de
vision nocturne ;
-
Épreuve sportive avec tir, parcours du combattant,
course de 5 km ... ect
Après
ces 48 heures de compétition non-stop, le RAID
a réussi à se hisser à la cinquième
place du classement général, avec 2826
points sur un total de 3125, score particulièrement
honorable qui prouve le savoir-faire français
en matière d’intervention. On peut néanmoins
signaler quelques difficultés rencontrées
principalement au cours des traductions (entraînant
un manque de spontanéité dans l’exécution
de certains scénarios) et dans l’approche
et l’analyse de l’intervention, dues à
une législation différente sur l’emploi
des armes. Il est quand même important de préciser
que notre équipe nationale a terminé
à la première place dans sept des 25
épreuves : parcours sportif, intervention avec
appareil de vision nocturne, épreuve NRBC,
intervention nautique, assistance au Secret Service
suite à l’attentat contre le président
des Etats-Unis…
L’URBAN
SHIELD 2009, remporté par l’Oakland Police
Department’s Tactical Operations Team, s’est
terminé par une cérémonie de
remise des prix qui s’est voulue à la
hauteur de l’événement : sur le
pont du porte-avion USS Hornet.
...
Reportage
sur DICOM sur l'evènement
...
Interview
de Amaury de Hauteclocque sur cette compétition
Prises
d’otages, tueries dans des écoles…
les équipes d’intervention du SWAT (Special
Weapons and Tactics) ont été confrontées
à 25 scénarios pendant cinquante heures
non-stop le week-end dernier à l’occasion
d’ « Urban Shield », un exercice
d’intervention policière grandeur nature.
Pour leur première participation, les policiers
français de l’unité Recherche,
assistance, intervention et dissuasion (RAID), ont
terminé à la 5ème place sur 27
équipes. Amaury de Hauteclocque, commissaire
divisionnaire et chef du RAID, revient sur cette coopération
inédite.
Comment
le RAID a-t-il été amené à
participer à « Urban shield » ?
C’est
le directeur du Department of Homeland Security qui
a eu l’initiative de cette invitation il y a
environ un an, lors d’une rencontre avec le
chef de la police française à Los Angeles.
Non seulement nous sommes la première équipe
française à participer à «
Urban shield », mais nous sommes surtout la
première équipe étrangère
à avoir été invitée en
dix ans d’existence de cet exercice.
Quel
bilan tirez-vous de la participation du RAID à
cet exercice ?
En
dépit de la barrière de la langue, «
Urban shield » s’est excellemment passé
pour notre unité, puisque nous avons fini cinquièmes
sur vingt-sept. C’était le résultat
que nous visions. Au-delà de la compétition
en elle-même, ce qui était intéressant
pour nous, c’était de comparer nos procédures
tactiques avec les équipes américaines
pour faire face aux différents types de situation
: maritime, aérienne, ferroviaire, menaces
non conventionnelles, tueries dans les écoles…
Nous étions vraiment présents dans un
esprit d’échange et de coopération,
pour essayer de comprendre la culture et les types
de criminalité auxquels sont confrontés
les Américains.
Les
équipes d’intervention française
et américaine sont-elles confrontées
à des menaces différentes ?
Un
type de menace qui m’intéresse particulièrement
et que l’on ne connaît pas encore en France
est la tuerie dans une école. Cela requiert
une imbrication remarquable du travail entre équipe
d’intervention et équipe de secours.
D’après
vous, pourquoi ce genre de menace n’existe pas
encore en France ?
Ça
tient essentiellement à la législation
sur les armes. Aux États-Unis, il y a un accès
beaucoup plus facilité aux armes à feu.
Sinon, le niveau de violence chez les jeunes est identique
dans les deux pays.
Y
a-t-il des domaines où le RAID est plus performant
que ses homologues américains et vice-versa
?
On
a une chance par rapport au SWAT, c’est de disposer
d’une compétence nationale. Étant
donné le système centralisé de
la police française, le RAID est amené
à intervenir partout en France dès lors
qu’une menace qui relève de sa compétence
survient. Nous avons couvert toutes les crises majeures
auxquelles la France a été confrontée.
Aux États-Unis, puisque le SWAT est rattaché
à des localités, il y a des unités
qui n’ont jamais été en prise
avec certains types de situation. Après, ce
qui m’intéresse chez eux, c’est
leur très forte logistique et leur capacité
à intervenir localement avec des petites équipes.
Est-ce
que vous participerez à nouveau à «
Urban shield » ?
Si
on nous demande si on a envie de revenir, oui, bien
sûr. En plus, ça se passe dans une très
belle région de la Californie que je ne connaissais
pas. Mais l’organisation de l’événement
est très lourde. Pour se préparer sérieusement,
il a fallu immobiliser neuf agents pendant quatre
mois pour suivre un programme d’entraînement.
Ce qui nous intéresse surtout maintenant, c’est
d’amorcer une collaboration à plus long
terme qui aille au-delà d’un événement
comme celui-ci, qui relève plus de l’affichage
communicationnel.