De
gauche à droite : Fernand Seither - Christian
Caron - René Canto
Jeudi
31 Août 1989 : Un magistrat
du parquet d’Évry (Essonne) vient notifier
une mesure d'internement psychiatrique d'office à
l'encontre de Gérard Marilier, quarante-six ans.
Il s'agit d'un agent de sécurité rongé
par la dépression et gravement paranoïaque,
en congé maladie depuis quatre ans.
Lorsqu'un
commissaire et trois effectifs du commissariat local
se rendent à son domicile vers 17h15, au 34 rue
de la Fontaine à Ris-Orangis (Essonne), ils ne
se doutent pas que l'individu est un fou de la gâchette,
et qu'il collectionne des armes de guerre.
Dans
un premier temps Gérard Marillier refuse catégoriquement
le dialogue et laisse sa porte close aux policiers.
L'inspecteur Jean-Luc Granjean, trente-cinq ans, décide
d'escalader la façade au moyen d'une échelle.
Extrêmement vigilant, l'homme ouvre alors le feu
à travers un volet fermé, blessant sérieusement
le policier au visage.
Désormais
retranché chez lui, d'important renforts de police
sont envoyés sur place pour faire face à
sa détermination. Le directeur départemental
de l'Essonne décide de faire appel aux spécialistes
de l'unité d'élite du RAID sous les directives
du commissaire Ange Mancini.
Après
s'être muré dans un silence déroutant,
à intervalles réguliers, l'individu fait
feu à plusieurs reprises sans faire de victime.
Puis, vers 20h30, le Procureur de la République
donne l'autorisation de mener l'assaut.
Deux
équipes du RAID interviennent simultanément.
L'une doit entrer à l'aide d'explosifs par la
porte principale - la détonation servira de signal
indiquant à l'autre d'entrer dans le même
temps depuis le balcon opposé par une baie vitrée
au moyen d'une masse. Cependant, le blindage de la porte
d'entrée sera plus important que prévu
... le forcené l'a renforcée de plaques
de métal.
Alors
que l'ordre d'investir la maison est donné, deux
membres du RAID se trouvent de fait bloqués sur
le palier de l'entrée tandis que trois effectifs
tentent de s'immiscer dans la pièce principale.
Tapis
derrière du mobilier renversé dans un
couloir, Gérard Marilier utilise un fusil de
guerre Mauser modifié calibre 7,62 alors capable
de percer le blindage et les gilets de protection des
policiers. Il tire à plusieurs reprises dans
leur direction.
Malgré
l'emploi d'un bouclier balistique, un projectile fracasse
le pistolet Beretta de l'inspecteur divisionnaire Christian
Caron et l'atteint mortellement au cou. A ses côtés,
le gardien de la paix Fernand Seither est atteint mortellement
à la poitrine.
Le
gardien de la paix Thierry Azzouzi est atteint à
l'artère fémorale, couché derrière
une table renversée, le forcené continue
de tirer dans sa direction. De longues minutes s'écoulent
lorsque la porte d'entrée cède enfin.
Le forcené, blessé par deux tirs de l'inspecteur
divisionnaire Christian Caron, est enfin maîtrisé.
Il est 22h15.
Lors
de l'enquête menée par la police judiciaire
établie que la Direction départementale
de l'action sanitaire et sociale avait alertée
sur la grande dangerosité de Gérard Marilier.
>L'inspecteur
divisionnaire Christian Caron,
quarante ans, était marié à Catherine
et père de trois enfants. Cité à
l'ordre de la nation, il est nommé commissaire
de police à titre posthume. Il venait de la célèbre
Brigade antigang, la Brigade de recherche et d'intervention
(BRI). La 40ème promotion de l'école nationale
supérieure de la police (1988-1990) porte son
nom.
>Originaire
de l'Alsace, le sous-brigadier Fernand
Seither, trente-et-un ans, était marié
et attendait la venue au monde d'une petite fille. Cité
à l'ordre de la nation, il est nommé officier
de paix à titre posthume. Il venait du Groupe
d'intervention de la police nationale de Strasbourg.
La 44ème promotion de l'école nationale
supérieure des officiers de police (1989-1990)
porte son nom.
Quinze
jours avant le drame, le Docteur Michel Mauroy, psychiatre
au centre hospitalier intercommunal de Villeneuve-Saint-Georges,
avait envoyé une lettre à la DDASS recommandant
des mesures exceptionnelles en cas de mise en oeuvre
d'une hospitalisation d'office le concernant. Confrontés
depuis plusieurs semaines à des crises de démences,
les parents et le voisinage de Marilier avaient tout
tenté pour le faire interner, en vain. Marilier,
irresponsable pénalement de part son aliénation
mentale, ne sera jamais jugé.
Lundi
4 Septembre 1989. Les obsèques officielles des
deux policiers sont célébrées au
siège du RAID à Bièvres (Essonne)
en présence du Ministre de l'intérieur,
Monsieur Pierre Joxe lequel déclarait :
" Aucun de ceux qui servent au RAID ne s'est
jamais pris pour un héros. [...] Chacun sait
pourtant, en entrant ici, qu'il aura à travailler
dans des situations difficiles, d'où le risque
n'est jamais exclu, risque assumé calmement,
sans emphase."
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Contexte
: En Mars 1996, un détachement
d'une quinzaine de policiers du RAID travaille en appui
de la police judiciaire à la surveillance des
mouvances nationalistes corses, alors en proie à
des luttes intestines. Près de quarante individus
ont effectivement trouvé la mort dans une série
de règlements de comptes à l'arme de guerre
entre insulaires.
A
Cuncolta Naziunalista (ACN), mouvement né en
1987 regroupant l'essentiel des nationalistes corses,
sert alors de représentant politique légal
du FLNC, interdit en 1983. Mais en 1989 une première
scission donne naissance à Accolta Naziunali
Corsa (ANC) et en 1990, une nouvelle rupture interne
crée le Mouvement pour l'autodétermination
(MPA).
Mardi
16 Avril 1996
: Neuf policiers en civils, circulant à bord
de trois véhicules banalisés, procèdent
à la "filature" d'un véhicule
Toyota sur le Chemin de Loretto dans les hauteurs d'Ajaccio
(Corse-du-sud). La Toyota est montée par deux
activistes affiliés au mouvement ACN : Jean-Luc
Orsoni, vingt-huit ans, et Charles Santoni, trente-trois
ans.
Les
policiers agissent sur commission rogatoire dans le
cadre d'une tentative d'assassinat commis le 8 Mars
1996 contre Yves Manunta, militant nationaliste de l'ANC.
Charles Santoni serait impliqué. Ordre est donné
aux policiers de procéder à l'interpellation
des deux individus, mais ces derniers les repèrent.
Dans une courbe, les deux malfrats porteurs de gilets
par balle et lourdement armés stoppent leur véhicule
et choisissent d'attendre leurs poursuivants. Il est
19h15.
Une
fusillade très violente éclate. Dans la
Renault Clio banalisée, le Capitaine de police
René Canto, en position de chef de bord, est
mortellement atteint par trois projectiles. A ses côtés,
le gardien de la paix Louis Garcia est grièvement
atteint au ventre. Le brigadier-chef Paul-André
Courtine s'extirpe de l'arrière du véhicule
de police et abat Jean-Luc Orsoni tandis que Charles
Santoni est blessé et neutralisé. Trente
huit coups de feu ont été tirés
en quelques instants.
Jeudi
18 Avril 1996. Une cérémonie est organisée
autour du corps du Capitaine René Canto à
l'aéroport de Campo Dell'Oro en présence
de nombreux officiels et de ses proches collègues.
Originaire
de Béziers (Hérault), le Capitaine de
police René Canto était âgé
de trente-cinq ans. Surnommé le "chevalier
blanc", il est décrit par ses proches et
collègues comme un formidable amuseur, plein
d'énergie et enthousiaste. Après treize
ans de services civils et militaires, il se révélait
également un excellent chef d'équipe.
Marié et père de deux enfants, René
Canto est nommé Commissaire de Police et élevé
au rang de chevalier de la légion d'honneur à
titre posthume. Cité à l'ordre de la nation,
il repose désormais au cimetière de Béziers.
Le
RAID est remplacé sur le terrain par des policiers
de l'Office central de répression du banditisme
et l'enquête confiée à la Police
judiciaire d'Ajaccio ainsi qu'à la 14ème
section anti-terroriste du parquet de Paris.
Jeudi
25 Novembre 1999. La cour d'assises spéciale
de Paris condamne Charles Santoni a vingt-huit ans de
réclusion criminelle. Ce dernier a toujours laissé
entendre lors du procès qu'il s'agissait d'une
méprise et que les policiers ont été
confondus avec des rivaux du MPA. Reste qu'il a bien
tiré de façon préméditée
pour tuer.
22
Juillet 2003: Lors
d'une cérémonie, en hommage aux membres
de l'unité décédés en missions
et avec la présence de M. Nicolas Sarkozy et
de Christian Lambert, une stèle a été
dréssée en leur honneur dans leur base
à Bièvres.