Reportage
du magazine RAIDS n° 309 - Février 2012
"
La Force d’Intervention de la Police Nationale
(FIPN) a été envoyée en urgence
en Syrie fin 2011, pour renforcer la protection de
l’ambassadeur de France à Damas. Déjà
présente à Beyrouth et à Kaboul,
la FIPN a mis en place un nouveau stage de protection.
Une expertise qui monte.
Les
événements en Syrie allant en s’aggravant,
à l’automne, le ministère des
Affaires étrangères a recouru à
la Police Nationale pour renforcer en urgence la sécurité
de son ambassadeur.
Le
contexte environnemental et matériel est très
particulier, demandant une expertise intraitable et
réactive.
C’est
la FIPN qui a répondu sur un très court
délai à la demande du ministère.
En décembre 2011, le service organisait un
stage de mise en condition avant déploiement,
trois semaines avant le départ des personnels
police.
Ce
qui permet à ces derniers, issus d’horizons
très divers, de se connaitre, de travailler
ensemble et de se plonger dans le bain, avant d’arriver
sur place.
Le
stage comprend du tir, de la conduite, et un volume
de connaissances sur l’environnement, y compris
la menace IED. Une instruction techniques est aussi
donnée sur des armements courants (G36, lance-grenades
40 mm) dans certains pays à risque comme l’Afghanistan,
mais qui ne sont pas forcément connus par tous
les opérateurs.
Un
ambassadeur liste les carences
A
l’origine, c’est la FIPN qui a mis en
place ce nouveau stage normé, dont c’était
seulement la deuxième édition.
Tout
serait parti d’un constat de carences effectué
par le nouvel ambassadeur français Bernard
Bajolet, lors de son arrivée en poste, en février
2012, à Kaboul.
Le
système était alors très différent,
et le turnover, beaucoup plus important, ce qui nuisait
sans doute à l’efficacité de l’ensemble.
Particularité
locale : le chauffeur de l’ambassade était
un autochtone qui n’avait pas les rudiments
de la conduite rapide dans un pays en guerre, et les
personnels tournaient entre la protection de l’ambassadeur
et de l’ambassade, sans avoir forcément
la formation idoine pour l’un et pour l’autre.
Dans
sa carrière, le diplomate, ancien coordonnateur
national du renseignement, est passé dans des
villes un peu complexes (Sarajevo, Bagdad, Amman,
Alger), il est donc parfaitement aguerri et averti
des prérequis de sécurité en
zone conflictuelle.
La
FIPN s’est chargée d’auditer le
dispositif policier alors en place, tout en proposant
le stage de mise en condition, qui profite donc immédiatement
aux partisans en Libye, ou vers d’autres destinations.
Parmi
les mesures rapides, le mandat passe à trois
mois, on harmonise l’armement et les formations,
et un chef de détachement, ancien des GIPN
et du RAID, est arrivé en décembre,
affecté pour quatre ans. Toutes les habitudes
ont aussi été gommées.
La
police avait senti ces besoins émergents, sans
pour autant aller au bout de la logique de formation
et d’emploi, faute de tête de file.
En
matière de matériel, la Direction Générale
de la Police Nationale (DGPN) avait notamment fait
acheter, dès 2009, des armements dédiés
à la protection en zone hostile : des gilets
classe IV (Burgmann), des lance-grenades HK69 de 40mm
(munitions fumigènes et explosives), des fusils
d’assaut SCAR et HK 417.
Le
SCAR-H (lourd, en 7,62 x 51mm) avait été
retenu dès 2009, avec son petit frère
(SCAR-L en 5,56 x45mm), pour une expérimentation
visant à renforcer la sécurité
des équipes œuvrant en Afghanistan et
au Soudan, dans des ambassades jugées à
risque.
L’arme
de référence reste le G36C
Certaines
armes sont dotées de lanceur HK de 40mm. On
a aussi évoqué, sans confirmation, le
recours au MP7, déjà apprécié
pour sa compacité par des opérateurs
de la Direction Générale de la Sécurité
Extérieure (DGSE).
Des
tenues tactiques civiles ont aussi été
acquises, et étrennées par le RAID en
Libye.
Elles
avaient été utilisées pour la
première fois en Afghanistan et au Soudan.
Le
lot "opex" – la police emploie ce
mot désormais, comme l’armée –
comprend un casque balistique MSA V3 Swat, des lunettes
balistiques ESS modèle ICE, des gilets pare-balles
finlandais Verseidag classe NIJ IIIA avec plaques
niveau IV.
Initialement,
c’est le pistolet automatique Beretta 92 FS
qui a été retenu, du fait de la bonne
capacité de son chargeur (14 balles), mais,
pour harmoniser les dotations, la FIPN a fait passer
le détachement de Kaboul et de Damas en Glock
17, arme de référence au RAID.
Les
holsters sont fournis par GK
Pour
rendre le stage le plus réaliste possible,
un célèbre fabricant de véhicules
4×4 prête deux engins de configuration
assez proche de ceux que les protecteurs utiliseront
sur place, à Kaboul.
Cela
permet de bien adapter les modes opératoires
aux dimensions de ces véhicules et de bien
mesurer ce qu’on peut mettre à l’intérieur.
Avec
de bonnes comme de mauvaises surprises, si un seul
véhicule est employé en recueil de l’autre,
en cas de panne ou d’attaque.
Comme
on a déjà pu l’écrire,
le RAID a aussi pris de l’importance dans le
soutien aux protections présidentielles, en
appui du Groupe de Sécurité de la Présidence
de la République (GSPR).
C’est
particulièrement le cas avec des plongeurs,
des tireurs points hauts, etc ..
Le
RAID a prêté son concours lors de la
visite du Président à Tripoli et Benghazi,
ainsi qu’en Côte d’Ivoire.
Les
mandats des missions de protection sont passés
à trois mois, à commencer par l’Afghanistan
.
Ces
prélèvements d’effectifs ne sont
pas neutres sur les unités, d’où
le fait que la ressource et les moyens de formation
aient été mis à profit. Sur le
stage de protection, on trouvait aussi bien des personnels
du RAID (parmi les formateurs, des personnels qui
reviennent des théâtres), de ses antennes
et du SPHP (Groupe d’Appui des Hautes Personnalités
– GAHP).
En
Afghanistan et en Libye
En
Afghanistan, la disponibilité est totale pour
l’équipe présente sur place.
Le
risque est partout, y compris dans l’ambassade
: plusieurs ambassades ont été ciblées
par des attentats à l’explosif, et il
ne faut évidemment pas exclure les risques
d’intrusion.
L’ambassadeur
se déplace aussi régulièrement
dans la capitale, et il ne refuse pas les sorties
sur les FOB (comme le 31 décembre) ou dans
les centres de formation où la France apporte
sa contribution comme dans la province du Wardak.
"Rien
ne se passe jamais comme prévu en Afghanistan",
explique un des personnels du RAID qui a fait cette
mission.
"C’est
pour cela que les précurseurs sont essentiels".
A Kaboul en
2014
Le
mode opératoire a été aussi changé
pour "désilhouetter" le cortège
traditionnel.
Les
insurgés, qui en voient passer des centaines
par jour, n’hésitent pas à cibler
ceux qui leur semblent les plus importants : vitesse
excessive, véhicules facilement reconnaissables,
antennes typiques.
La
" protec " française a donc planché
sur toutes ces questions, pour offrir un système
plus pensé, plus discret et donc, de fait,
plus efficace.
Toutes
les problématiques de la protection rapprochée
ont été concentrées lors de la
visite du président de la république
en Libye, un pays encore en guerre à l’époque.