Interview
: Chef de la cellule "effraction"
Interview
complète sur Challenges.fr
Comment
le RAID se prépare pour faire face aux attentats terroristes
Le
RAID bénéfice d’une organisation qui a
fait ses preuves depuis 30 ans d’interventions en situations
extrêmes. Echange exclusif avec Jean, chef de la cellule
"Effraction".
Cet article a été
écrit et les interviews menées avant les attentats
terroristes qui ont touché Paris le 13 novembre 2015.
Jean dirige un groupe d’intervention
du RAID ainsi que la cellule transversale "Effraction",
spécialiste de l’ouverture rapide de portes blindées,
fenêtres et murs par différents moyens allant
du vérin hydraulique jusqu’aux explosifs. Il
partage avec nous plusieurs facettes du RAID sur la manière
dont il se prépare, y compris mentalement, à
affronter des situations extrêmes comme des attentats
terroristes.
Le RAID
s’appuie sur 4 groupes d’intervention, composés
de plusieurs entités qui se déploient pour chaque
mission comme une force globale: les cellules de négociation
et d’effraction, les tireurs de haute précision
et la colonne d’assaut (dont un maître-chien).
Une
formation en 3 cycles
Le temps est pensé, vécu et
organisé de manière très personnalisée
au RAID. Les policiers démarrent par un processus de
sélection éprouvant tant physiquement que psychologiquement
(1 semaine), de formation poussée (3 mois) puis de
probation sous le regard attentif de leurs pairs et des chefs
de groupe (6 mois). Ensuite, le parcours des opérateurs
du RAID se compose de 3 cycles de 5 ans:
le premier contrat est destiné à
la formation, dépassant les idées préconçues
qu’il existe des techniques magiques en se centrant
sur l’entraînement et l’expérience
le deuxième contrat permet l’approfondissement
des compétences d’intervention, une spécialisation
vers un corps dédié comme les Tireurs de Haute
Précision ou l’Effraction, et/ou le début
du management opérationnel
les 5 années du troisième et dernier contrat,
fortes de valeurs d’ouverture et de partage au sein
de la communauté, sont consacrées autant aux
missions qu’à la transmission des savoir-faire
et des histoires de vie qui consolident la mémoire
de l’organisation depuis 30 ans.
« Nous ne sommes que de passage, le
RAID reste ». Alain, policier ayant reçu un coup
de feu dans le visage lors d’une mission à Roubaix
en 1996 face à une personne radicalisée, incarne
cette transmission: il est resté au RAID malgré
ses blessures jusqu’à la fin de son contrat pour
former ses collègues, les inspirant par son professionnalisme,
sa présence et son courage.
90%
du temps consacré à l'entraînement
On reconnait les policiers d’élite
du RAID au ratio temps de préparation / temps d’intervention:
90% du temps sont investis dans l’entraînement,
la réflexion, la création, le montage et les
ajustements de scénarios en situations réelles
; 10% sont consacrés aux interventions proprement dites,
ce qui correspond à la répartition inverse d’un
simple policier.
Comme
c’est souvent le cas dans les organisations confrontées
à des situations extrêmes, la culture du RAID
s’est dotée d’un puissant « système
immunitaire » qui filtre les renseignements et ne laisse
passer que les plus crédibles. Le groupe d’intervention
a su créer un contexte propice qui se nourrit de personnalités
fortes qui savent vivre en équipe. Ainsi, seules les
pratiques internes alliant vécu, expérience
commune et résultats probants, sont pleinement reconnues,
acceptées et partagées. Il y a quelques années,
un consultant externe spécialisé en préparation
mentale a perdu sa crédibilité puis a été
écarté de la formation parce qu'il n’a
pas su incarner la valeur de son enseignement lors des entraînements.
Au
moment de l'assaut
La vision focalisée propre à
l’intervention de la colonne d’assaut dans une
situation extrême appelée également "effet
tunnel" est un facteur à la fois de concentration
et de perte de recul pour les policiers en première
ligne. Pour élargir son champ visuel au service de
ses équipiers, le chef est systématiquement
derrière ses équipes au sens propre comme au
sens figuré. Un chef ne mène sa colonne d’assaut
que par l’exemplarité et la reconnaissance des
membres de son équipe et ses pairs.
Une
perpétuelle adaptation
Le RAID étant une unité somme
toute de petite taille, il constitue un micro-marché
qui n’intéresse pas les grands groupes malgré
son prestige. Il lui a donc fallu trouver des solutions innovantes
pour répondre à ses besoins spécifiques:
investir du temps en R&D, identifier des entreprises locales
puis tisser des partenariats privilégiés, et
détourner de manière astucieuse et personnalisée
du matériel existant comme par exemple un vérin
hydraulique d’ouverture de portes blindées.
Les interventions du RAID illustrent de manière
emblématique l’ « esprit police »
- service aux personnes en danger, notamment dans les interpellations
de forcenés et la gestion de prises d’otages,
souvent à l’occasion de drames familiaux. Depuis
quelques années, les équipes font également
face à des situations de guerre en zone urbaine, qui
les poussent à s’adapter psychologiquement (confrontés
à des opposants désormais offensifs) et à
renforcer tactiquement leur collaboration déjà
étroite avec les forces spéciales de l’armée
(1er RPIMA, CPA 10, 13ème RDP, Commandos Marine…).
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