Septembre
2011
Deux
écoles de l’intervention, issues de la
Police et des Forces Spéciales, se sont confrontées,
fin Septembre 2011, lors d’une semaine d’échanges
prolifiques en région parisienne.
Dans
un craquement sinistre, la porte métallique cède,
sous la poussée des vérins hydrauliques
du Libervit.
Le
temps de la tirer, et une horde en kaki et en noir s’engouffre
dans une enfilade de galeries pour libérer les
"otages" et neutraliser les "terroristes".
C’est
le résultat d’années d’entraînent
et, dans ce dédale de souterrains, d’une
infiltration commencée trois heures plus tôt
par trois snipers du RAID, sous l’œil observateur
d’un des membres de la cellule formation du RAID,
Y., un ancien commando Marine qui a servi chez Penfentenyo.
Les
modes de travail sont radicalement différents
d’une unité à l’autre, mais
les deux entité ont en commun des compétences
en matière d’acquisition du renseignement,
d’intervention, et la même passion de l’expérimentation.
Les
paras sont venus à huit : sept d’un groupe
de chuteurs opérationnels de la 1° compagnie
SAS, et un personnel de l’instruction spécialisée.
A
huit, ils dégagent une impression de puissance,
bien qu’ils soient venus sans leurs propres armes
(le RAID leur a prêté des Glock et HK G36C
transformés pour le tir de Simunition) : ils
n’ont que leur casque, leur pare-balle, et un
lourd bouclier spécialement conçu pour
l’invex.
Félins,
souples et manœuvriers, comme dit l’adage
militaire, mais il s’y prête : les paras
sont en mouvement permanent, couvrant tous les secteurs
dans le dédale de couloirs et de souterrains,
jusqu’à leur objectif.
Pour
les policiers, la conception de l’approche est
assez différente, car en milieu urbain, et de
surcroît en France, l’appui est permanent,
et les types de danger connus.
Evoluant
en territoire adverse, les Forces Spéciales sont
formées à gérer les approches en
s’auto-appuyant.
Les
interventions du RAID sont majoritairement réalisées
en milieu urbain, mais deux ans après leur création,
les " Raidmen " ont effectué en 1987
l'une de leurs plus belles opérations au cœur
de la compagne du Loiret, pour interpeller les quatre
dirigeants de Action Directe, vivants.
Depuis,
régulièrement, l’appel de la forêt
ou du maquis les prend.
Les
modes opératoires doivent s’adapter. Le
premier signal est venu en 2003 avec les opérations
pour retrouver Yvan Colonna, en Corse, puis un autre
fugitif Jean Pierre Treiber.
Régulièrement,
les policiers sont requis pour s’enfouir et observer
pendant plusieurs jours.
Ils
l’ont fait en Auvergne à 1200m d’altitude
sur une équipe de l’ETA logée dans
deux chalets postés en zone boisée, en
Octobre-Novembre 2010 dans la région d’Epinal,
en Décembre 2010 en Corse.
Du
maquis au métro
Les
hommes en noir ont pu bénéficier des techniques
du 13°RDP en matière d’enfouissement,
mais aussi du 1°RPIMA en matière de tir à
longue distance : le tir police, qui initialement ne
portait qu’à quelques dizaines de mètres
(25-120 m), a dû s’adapter avec le terrorisme.
Il
faut notamment diversifier les environnements, travailler
sur les structures tubulaires.
Le
RAID a en charge, directement ou indirectement, le tunnel
sous la Manche, les métros des grandes métropoles
et des cibles rêvées pour les terroristes.
Laser
1 (indicatif du patron du RAID) a confié
la construction d’une cellule de tir renforcée
à un capitaine de police (M.) qui a fait ses
classes au 13°RDP, puis dans l’appui opérationnel,
au RAID, M. a déjà quasiment amené
ses tireurs d’élite à la moitié
de leur progression.
Certains
sont déjà très aguerris comme P.P,
un des piliers de la communauté des snipers,
et armurier de son état. Il y a aussi J., un
ancien sous-officier de la Légion.
Et
des jeunes, qui sont devenus des adeptes du HK417, livré
il y a quelques mois, pour assurer les missions à
l’étranger, notamment en Afghanistan.
Les
policiers viennent aussi d’étrenner le
SCAR, lors d’une mission de protection présidentielle
en Libye dans laquelle ils ont d’ailleurs croisé
des personnels du régiment.
Le
chef de la cellule snipers du RAID a emmené ses
ouailles faire un tour de France, pour emprunter les
meilleures pratiques là où elles existent,
y compris dans sa première, à Dieuze.
Les
snipers de la police sont aussi en cours d’acquisition
d’une compétence en appui feu tireur embarqué
(AFTE).
Et
l’analyse de la menace y est beaucoup plus fine
: la culture de l’expérimentation se développe
de plus en plus.
Il
faut désormais que les balles puissent traverser
plusieurs couches successives après avoir parcouru
éventuellement plusieurs centaines de mètres.
Et
ceci, sans se disperser et sans toucher les otages à
proximité.
Il
faut donc aussi expérimenter in vivo une pratique
qui s’est développée au RAID, comme
cette campagne sur des métros réalisés
dans l’Est, il y a seulement quelques semaines.
Tous
les calibres et types de munitions ont été
testés sur une rame de métro, avec minutie.
Les
résultats de l’étude, menée
par le pilier de la cellule de tir, sont présentés
à l’équipe du 1°RPIMA, dans
un centre de formation de la RATP.
Comme
ils le font régulièrement dans d’autres
milieux, les commandos du 1°RPIMA doivent être
accoutumés aux environnements tubulaires, y compris
en zone urbaine, d’autant plus que plusieurs pays
dans le monde utilisent des métros français.
Ce
milieu est très particulier, avec une kyrielle
de véhicules différents, dont la neutralisation
peut changer du tout au tout d’un modèle
à l’autre.
Certains
métros on, en plus, des portes palières.
L’usage
des explosifs dans le milieu aussi confiné, et
pourvu de grosses surfaces vitrées, n’est
pas non plus neutre.
Pour
couronner le tout, du 750 volts règne à
côté des rails.
Bref,
les parachutistes découvrent l’immensité
du sujet, captivés par l’étude de
la Police.
Le
chef des snipers du RAID explique aux Bayonnais tous
les ressorts de ce milieu, présente brièvement
les études, en promettant de transmettre.
Les
cheminots expliquent aux commandos les différents
ressorts d’action, présentent même
un de leurs véhicules techniques qui pourrait
être utilisé pour l’intervention.
Puis
c’est le passage au concret.
Le
sniper du RAID se place en appui à plusieurs
centaines de mètres, avec son HK417 pourvu d’une
puissante lunette de vision nocturne arrivée
la veille au service.
Cette
NSV-600 de NSOLT est couplée à un illuminateur
désignateur ANPQ-2 et une lunette claire NightForce
(x 3,5 à x15).
L’occasion
de constater que la lumière des tunnels parisiens
n’apprécie pas forcément les réglages
d’une nuit étoilée à Beynes,
où les policiers vont souvent s’entraîner.
A
l’autre bout du tunnel, les paras progressent
dans le noir complet, sans générer un
décibel de bruit, alors que les cailloux qui
forment le ballast n’attendent que ça.
Un
signal signifiant la mort d’un des preneurs d’otages
dans la cabine de conduite … Puis les huit paras
pénètrent comme un seul homme dans la
rame. Terroristes neutralisés, otages saufs :
mission accomplie.
Le
RAID en pleine évolution
Cette
semaine d’échanges est à l’image
du virage pris par le RAID ces dernières années,
suivant en cela l’évolution du terrorisme
de masse.
Le
RAID a totalement mué, sans changer d’effectif
(180 policiers).
Il
est aujourd’hui la tête de ligne de la Force
d’Intervention de la Police Nationale (FIPN),
créée à l’initiative du DGPN
Frédéric Péchenard (comme le numéro
deux de la BRI-BAC, il est passé par le 1er RCP
étant jeune, Amaury de Hautecloque, descendant
du Maréchal Leclerc, a effectué son service
national chez les commandos Marine, à Lorient)
et de ses 422 membres, issus aussi des GIPN et de la
BRI-BAC parisienne.
Cette
FIPN bénéficie de moyens d’appui
diversifiés, de hors-bord fluviaux, véhicules
blindés, de bulldozers de force et même
de minidrones à voilure tournante.
Depuis
quelques mois, il est aussi abonné aux hélicoptères
du Groupe Interarmées d’Hélicoptères
(GIH), initialement créé en 2006 par le
COS pour les seuls besoins du GIGN.
Plusieurs
centaines heures sont aussi consacrées, sur les
hélicoptères de la Gendarmerie, à
l’entraînement à l’aérocordage
et à l’AFTE (appui feu tireur embarqué)
à Villacoublay.
AFTE
: Appui Feu Tireur Embarqué
Les
échanges peuvent être qualifiés
de prolifiques avec le COS et ne sont pas à sens
unique, puisque chacun apporte ses points de force.
Les
tireurs du RAID ont bénéficié d’échanges
avec le Commando Montfort, le 1°RPIMA (il y a aussi
eu des rencontres sur le NEDEX et les explosifs) et
le 13°RDP (ainsi qu’avec le 3ème RPIMA).
Le
RAID a aussi fourni au 13°RDP une équipe
pour l’exercice EUGENIE, cette année.
Plusieurs
séjours réciproques ont déjà
été organisés par les deux unités
depuis 2009.
Une
bulle tactique radio est aussi développée
par EADS avec les Commando Marine.
Cette
association permet de mieux répartir les coûts
de développement (700 000 euros).
Si
chacun reste dans sa sphère opérationnelle,
ces échanges permettent de mieux appréhender
les réalités de demain, qu’elles
soient tactiques… ou budgétaires, tout
en permettant aux hommes, fondement de l’efficacité
de ces unités, d’être encore plus
performants. "
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